Suisse : Pour réagir aux changements sociaux, les prestations « addictions » doivent être renforcées dès aujourd’hui !
Des changements systémiques viennent perturber le champ social, influençant les problématiques d’addictions. Ce bousculement ne nous autorise pas à nous reposer sur nos acquis et nécessite une adaptation constante des mesures mises en place. Si les professionnel·le·s des addictions investissent le terrain et regorgent d’initiatives, les moyens manquent, en particulier pour l’accompagnement social.
Répercussions des crises : De la pandémie à la précarité économique en Europe
De nombreux changements, que l’on peut qualifier de structurels, sont survenus ces dernières années. La pandémie a eu un impact sans précédent sur notre quotidien et a rappelé la force du politique. Est venue ensuite la guerre aux portes de l’Europe. Les drames ont été immédiats, puis les dérèglements économiques se sont fait ressentir rapidement avec une inflation importante en Europe(link is external) comme en Suisse(link is external). Les banques centrales sortent du « whatever it takes » et reviennent à un contrôle classique de l’inflation(link is external) en augmentant les taux d’intérêt(link is external). Les États, qui réagissent également à ces décisions macroéconomiques, renforcent leurs(link is external) politiques(link is external) d’austérité(link is external).
Tout le monde ne vit pas ce changement de la même manière(link is external). Comme souvent, c’est aux marges que la situation est la plus difficile(link is external). Un nombre plus important de personnes se retrouvent malgré elles rapidement dans une situation de vulnérabilité accrue. Certaines places de travail sont menacées alors que les services sociaux limitent ou conditionnent leurs prestations. Le prix des marchandises et les loyers continuent d’augmenter. Le marché de l’emploi se complexifie : les compétences pointues sont nécessaires, mais rares, les jobs faciles d’accès sont précaires. Si certaines personnes ont les ressources pour profiter(link is external) de telles crises, la majorité de la population la subit de plein fouet(link is external).
La fin de l'invisibilité : L’accompagnement des addictions dans une Europe en mutation
En Europe, les marchés noirs sont florissants, avec un déplacement sans précédent du trafic vers les ports du nord de l’Europe. Les stimulants, comme la cocaïne, sont depuis longtemps très consommés en Suisse(link is external), et on cherche à augmenter les profits avec l’arrivée de crack parfois vendu au détail. En regardant vers l’horizon, certains experts se demandent si un choc serait à venir sur le marché de l’héroïne après la diminution drastique de la production qui semble s’annoncer en Afghanistan. Espérons que le scénario de l’arrivée de fentanyl que connait l’Amérique du Nord ne se généralise pas sur notre continent.
Les consommations de substances, elles, continuent, même si elles n’ont pas toujours pour conséquences une addiction. Si on prête une attention soutenue à la précarité, où les situations d’addiction ont le plus de conséquences négatives, alors des signaux clairs apparaissent. En Suisse, cela se manifeste par une visibilité plus importante d’une forme de détresse, signalé par les professionnel·le·s de terrain et les observateurs(link is external). Dans les marges, on consomme du crack prêt à l’emploi, on utilise de plus en plus l’espace public faute d’option pour la consommatio(link is external)n, mais surtout, on ne voit pas de perspectives s’ouvrir. Chez nos voisins(link is external), la situation est encore plus préoccupante(link is external), avec un contexte économique souvent plus dur(link is external). Pendant longtemps, les prestations du domaine des addictions ont permis d’invisibiliser les problématiques d'addiction. Aujourd’hui, elles restent très efficaces, mais n’y parviennent plus tout à fait faute de moyens. Il faut les renforcer dès maintenant, sous peine d’assister à une augmentation prochaine des drames humains.
Réduire les risques : L'importance du travail social face à la précarité
Pour que la réduction des risques porte ses fruits, il est crucial d'établir des partenariats actifs avec les domaines de la précarité, du social, de l’éducation et de la sécurité, en leur allouant des moyens spécifiques. Il en va du pouvoir d’agir des personnes concernées : petits jobs, logements d’abord, activités à bas seuil d’accessibilité sont autant de moyens à moindres couts d’agir efficacement et de rendre la dignité des personnes concernées. Rappelons aussi que les dispositifs à bas seuil d’accessibilité offrent une aide à la survie à travers la fourniture de repas, d’abris pour la nuit ou encore d’accès à des soins de base gratuits : ces prestations sont essentielles en période de crise. Dans cette démarche, le travail social joue un rôle essentiel en tant qu'intermédiaire entre les diverses institutions, offrant un soutien essentiel face à des situations complexes. Soyons-en sûrs : la situation actuelle peut rapidement être améliorée, seul un nombre restreint de personnes est concerné.
Entre efficacité et attente : À la recherche d'un accompagnement
Les traitements actuels, au sens de l’accompagnement et du rétablissement, sont plus efficaces et respectueux des personnes. Celles-ci sont au cœur de la démarche, et les objectifs sont convenus ensemble. Mais un défi majeur remonte du terrain : il faut des mois pour obtenir un rendez-vous. Le problème est le même dans le champ de la santé mentale, où l’on sait que les services psychiatriques et psychothérapeutiques sont débordés. Nous avons non seulement besoin de prestations de qualité, mais également facilement accessibles. La volonté de changement et de reprise en main de sa situation est difficile à maintenir. Il est donc essentiel d'agir promptement pour capturer ce moment. Il apparaît primordial de renforcer les moyens professionnels, et c’est là aussi une occasion de donner une place centrale au savoir expérientiel des personnes concernées. Les pair·e·s aidant·e·s, en particulier, expert·e·s dans le domaine des addictions, possèdent des connaissances inestimables pour un soutien efficace.
Entre industrie et marché noir : Le poids inégal de la prévention
La prévention doit être impérativement renforcée pour jouer un rôle décisif à moyen et long terme. Elle doit alors permettre d’économiser des ressources nécessaires aux autres piliers pour un rôle véritablement protecteur. Au niveau structurel, elle ne joue pas son rôle, que cela soit dans le tabac(link is external) ou l’alcool où la Suisse est parmi les pays les moins efficaces pour cadrer les effets délétères de ces substances ou pour les drogues illégales où le marché noir fait sa loi. Dans le domaine de la prévention comportementale, les mesures sont rares, faute de financement durable(link is external). Ainsi, les spécialistes de la prévention travaillent avec des moyens sans commune mesure avec ceux de l’industrie ou même du marché noir, qui financent sans peine leurs actions avec les profits engrangés. Il convient ici de reprendre le contrôle sur cet aspect pour enfin développer de manière organisée des mesures de prévention modernes et efficaces, prenant en compte la réduction des risques, sans dogmatisme ni diabolisation.
Des marchés noirs à une régulation équitable : Comment les politiques de régulation peuvent-elles fortifier la société?
Pour renforcer les moyens nécessaires à ces mesures, les bonnes nouvelles viennent du pilier de la régulation. Les marchés noirs évoqués au début de cet article démontrent l’ampleur des moyens financiers potentiellement disponibles pour l’action publique s’ils échappaient aux mains des organisations criminelles. Il faut reprendre le contrôle de ces marchés(link is external) en les régulant et conserver une partie des recettes pour renforcer notre stratégie d’action. Le travail en cours sur le cannabis doit aller dans ce sens. Au final, le revenu des taxes sur les substances ne doit donc pas être attribué aux dépenses générales de l’État, mais, afin de respecter les principes de justice et d’équivalence fiscales, il doit revenir aux acteurs qui ont la mission d’accompagner les personnes concernées et de rendre la société plus résiliente. Ces mesures seront d’autant plus essentielles dans un contexte social fragile et alors que des politiques d’austérité diminuent les moyens disponibles.