Légaliser les drogues ?
Il est peut-être temps de rouvrir en France le débat sur la dépénalisation des drogues. La lutte policière contre la consommation et les trafics a montré ses limites, et rien n’est vraiment fait pour encadrer juridiquement l’usage des stupéfiants, alors qu’à l’étranger certains États réfléchissent à un assouplissement de la prohibition.
Le consensus international qui a longtemps prévalu en matière de lutte contre les drogues se fissure. Depuis quelques années, les coups de canifs portés au dogme prohibitionniste se multiplient : légalisation de la feuille de coca en Bolivie, mise en œuvre de programmes de distribution contrôlée d’héroïne en Suisse et au Canada, dépénalisation de l’usage récréatif de cannabis dans un nombre croissant de pays... Par-delà leur diversité, toutes ces politiques ont en commun de remettre en cause, de manière plus ou moins frontale, le principe d’interdiction de l’usage et du commerce, à des fins non thérapeutiques, de produits psychotropes jusqu’alors considérés comme indésirables. Le régime prohibitionniste établi dans la première moitié du XXe siècle par la communauté internationale, et étendu depuis à des substances toujours plus nombreuses, peine, il est vrai, à remplir ses promesses. La montée en puissance de la « guerre à la drogue », menée depuis les années 1980, n’a pas eu les résultats escomptés. Au delà de son incapacité à enrayer le développement de la consommation et des trafics, ce sont les effets pervers de la prohibition en termes de santé et de sécurité publiques qui suscitent aujourd’hui le plus d’interrogations.
Devenus objets d’expertise, les politiques de lutte contre les drogues et la toxicomanie ont donné lieu à la production d’un imposant corpus scientifique pluridisciplinaire. Mais le savoir des experts demeure souvent inaudible auprès des pouvoirs publics, a fortiori sur des sujets susceptibles de faire l’objet d’une forte instrumentalisation dans le débat politique. C’est le cas en France, où l’intention louable de protéger nos concitoyens du fléau des drogues conduit, par un artifice rhétorique discutable, à refermer la discussion sur le bien-fondé de leur interdiction avant même que ne puisse être évoquées les données acquises de la science. Celles-ci mettent pourtant en évidence les limites du traitement pénal des usagers de drogues et invitent à envisager un assouplissement du droit. Loin des caricatures qui la décrivent comme une lubie libertaire, la légalisation des drogues semble en effet être la voie obligée d’une politique de sécurité véritablement dédiée à la réduction des risques sanitaires et criminels engendrés par l’usage et le trafic de stupéfiants.
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