Pas si simple : L’impact des infractions de possession simple et de trafic de drogues sur l’équité en matière de santé
Au Canada, de plus en plus de données montrent que la criminalisation de la possession simple de drogues (c.-à-d. la possession de drogues pour un usage personnel) et d’autres activités liées à l’utilisation de drogues (comme les actes inclus dans l’interdiction du trafic) ne protègent ni la santé publique ni la sécurité publique. De fait, en plus de s’être révélées inefficaces pour réduire l’utilisation et la disponibilité des drogues criminalisées, ces interdictions contribuent à des conséquences profondément néfastes pour la santé des personnes qui utilisent des drogues. De surcroît, la criminalisation de ces activités a ancré dans la loi la stigmatisation, le racisme et d’autres formes de discrimination faite aux personnes qui utilisent des drogues, en particulier celles qui sont autochtones, noires, non logées ou pauvres. Constatant les effets néfastes de la prohibition des drogues, des décisionnaires politiques et d’autres intervenant-es du système pénal au Canada et dans le monde se sont intéressé-es aux effets potentiels d’une décriminalisation de la possession simple de drogues. De nombreuses agences des Nations Unies, par exemple, recommandent « d’autres solutions que la condamnation et la sanction dans les cas qui s’y prêtent, notamment la dépénalisation de la possession de drogues à usage personnel »,1 et plusieurs pays d’Europe et d’Amérique ont mis en œuvre des réformes touchant la définition et la réglementation juridiques de la possession simple et/ou de la consommation personnelle de drogues.2 Ces changements ont été apportés pour plusieurs raisons, en particulier afin d’aligner les lois et les politiques sur les principes de santé publique et d’alléger la charge qui pèse sur les systèmes judiciaires pénaux déjà surchargés.3 Pourtant, il n’y a eu que peu d’élan correspondant, voire aucun, pour réformer les lois et les politiques en ce qui concerne les infractions liées à l’offre et à la distribution de drogues (p. ex. le « trafic » de drogues). Au cours de la dernière décennie, une série de modifications législatives et politiques au Canada ont été adoptées pour atténuer certains des effets néfastes de l’infraction de possession simple de drogues, tout en mettant l’accent sur les personnes qui fournissent des drogues.4 Cette orientation s’est traduite dans plusieurs ressorts par une augmentation des peines pour trafic de drogues, une approche qu’a confirmée la Cour suprême du Canada.5 Comme la Cour l’a récemment déclaré, « on en est venu à considérer le trafic de drogues comme une infraction commise avec violence, dont la gravité ne se limite pas aux conséquences désastreuses qu’il entraîne pour ceux qui abusent des drogues et qui, dans la foulée, se détruisent et détruisent d’autres personnes » – justifiant la sévérité des peines.6 Cependant, des recherches indiquent qu’une perspective étroitement centrée sur la décriminalisation de la possession simple de drogues et le passage à la poursuite et à la répression plus sévère du trafic de drogues peuvent exacerber la vulnérabilité structurelle des personnes qui utilisent des drogues, tout en contribuant en réalité à des préjudices sanitaires et sociaux, tels que la violence, le racisme et la pauvreté, qui peuvent amener des personnes à entrer en conflit avec la loi.