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Sanctionner l'usage de stupéfiants par une contravention?

8 décembre 2011

LeMonde.fr, 07 Decembre 2011, Alexandre Léchenet

Actuellement, l'usage de stupéfiants est puni d'une amende maximale de 3 750 euros et d'un an d'emprisonnement. Une proposition de loi, adoptée le mercredi 7 décembre par le Sénat, entend modifier ces sanctions. Au lieu d'être un délit, le premier usage - et lui seul - deviendrait une contravention, assortie d'une amende de 68 euros.

C'est une "suite logique" aux conclusions d'un rapport publié en juillet 2011 par la mission parlementaire d'information sur les toxicomanies, précise Jacques Mézard, président radical du groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) au Sénat, et rapporteur du texte.

Une dépénalisation de fait

La "contraventionnalisation" de l'usage de stupéfiants ainsi proposée en rappelle une autre. Celle qu'avait souhaitée, en 2003, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur. A l'époque, il constatait que, "pour 9 consommateurs sur 10, l'usage de stupéfiants s'est trouvé dépénalisé de fait" car la plupart des sanctions ne sont "jamais appliquées" en raison de leur lourdeur. Craignant cependant d'envoyer un "signal de faible dangerosité des stupéfiants", le gouvernement avait abandonné cette réforme de la loi de 1970 contre l'usage des produits stupéfiants. Parmi les sanctions prévues avait été envisagée, par exemple, la confiscation du scooter pour les mineurs.

"La sanction prévue actuellement est complètement disproportionnée par rapport à l'usage. C'est incohérent par rapport à la réalité du terrain", explique M. Mézard. Les peines actuelles sont inapplicables et s'ajoute un problème de disparités régionales, identifié par le rapport de la mission parlementaire d'information sur les toxicomanies. "Il y a une trop grande différence de traitements entre les parquets", rappelle Serge Blisko, député socialiste de Paris et président de la mission parlementaire. "Certains poursuivent et font un simple rappel à la loi, d'autres classent sans suite", précise-t-il.

Le rapport explique ne pas disposer d'éléments statistiques suffisants concernant les suites données aux interpellations. Les parlementaires se basent donc sur les cas recensés en Ile-de-France, qui représentent 25 % des infractions à la loi sur les stupéfiants.

Systématisation des applications

Plutôt que de proposer des peines qui ne sont jamais appliquées, la proposition de loi propose donc à la place une contravention. Cette contravention permettra "d'ébaucher un dialogue entre les jeunes et la famille", sur la question des drogues et de "rappeler que c'est interdit" explique M. Blisko.

Elle règlera surtout le problème de l'application des peines. Chaque primo-usager recevra une amende de troisième catégorie, "plus facile" à traiter. Et donc les sanctions seront beaucoup plus systématiques. En plus, ajoute M. Blisko, cela "réduit les risques de disparités régionales".

Pendant la campagne pour la primaire socialiste, les candidats s'étaient différenciés sur les questions de drogue et notamment du cannabis.

Jean-Michel Baylet, radical de gauche et sénateur du groupe RDSE, proposait même une dépénalisation complète, assortie d'une vente du cannabis dans les pharmacies. Cette proposition n'a "strictement rien à voir avec les idées de M. Baylet", veut rassurer M. Mézard. M. Blisko, qui fait par ailleurs partie de l'équipe de François Hollande, confirme quant à lui que même si le débat a lieu au sein du Parti socialiste, la "contraventionalisation n'est pas un pas vers la dépénalisation".

Assouplissement de la politique de répression des stupéfiants pour une meilleure systématisation de l'application des contraventions, la proposition est pleine de nuances. Nuances sur lesquelles le gouvernement ne veut pas s'étendre. Michel Mercier, ministre de la justice déclarait en séance qu'une telle contravention "pourrait laisser croire à un amoindrissement de la sanction, mettant en cause le principe de la prohibition". Le Sénat a donc voté la proposition de loi en désaccord avec le ministre qui, "ne peut y souscrire". Le gouvernement ne semble pas vouloir, en période électorale, laisser penser qu'il est plus clément avec les consommateurs de drogue.

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