Perceptions et facteurs associés à la nonutilisation des outils de réductions des risques par les usagers de drogues d’Abidjan

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Perceptions et facteurs associés à la nonutilisation des outils de réductions des risques par les usagers de drogues d’Abidjan

25 octobre 2018

Par Paroles Autour de la Santé

Penser la réduction des risques (RdR) et des dommages, c’est accorder une pause dans l’action, décaler le regard, opérer un mouvement de côté, prendre acte lentement de ce qu’elle nous fait faire (Menneret, 2013). Il y’a de l’inextricable et de l’imprévisible dans toutes les relations qui sans cesse au quotidien nous engagent. Dans ces relations, les positions et les positionnements de chacun et chacune sont chaque fois mis à l’épreuve du réel. C’est en même temps ce qui autorise la réflexion à partir de ce qui nous oblige dans des rapports toujours singuliers et pluriels, avec l’autre, quelqu’un « usager de drogues» ou « prostituée» (ibid).

En effet, la RdR est une histoire récente et singulière, portée depuis une trentaine d’années par des acteurs aux profils variés : professionnels de santé, usagers de drogues, chercheurs ou militants des droits humains notamment (Andréo et al, 2013, p.5). La réduction des risques est une approche de santé publique qui vise à prévenir et réduire les risques liés à l’usage de substances psychoactives chez les usagers qui ne peuvent pas ou ne veulent pas arrêter leur consommation. Ainsi, faire de la RdR, c’est ne pas lâcher le lien avant l’autre. Le geste, le regard, la parole sont à la fois des outils de travail et des matières d’attention, des manières de prendre soin ou d’éprouver la solidité du lien. La littérature nous rappelle que la politique de la RdR a vu le jour dans les années 1980 en France, dans un contexte où l’épidémie du sida, au-delà des dommages individuels majeurs qu’elle impliquait, transformait la toxicomanie en problème de santé publique (JauffretRoustide, 2004).

À cette époque, le seul traitement curatif de la toxicomanie et en particulier la recherche forcenée de l’abstinence ne pouvait plus être un pilier essentiel des stratégies sanitaires. Les concepts se modifiaient dans la même logique. Il convenait dès-lors, de réorganiser la hiérarchie des objectifs des politiques sanitaires. Il était urgent de traiter les conséquences des usages et prévenir les risques qui leur sont associés. Traiter les causes de la toxicomanie et prévenir les usages ne pouvaient plus, dans cette actualité, être des objectifs uniques (Bergeron, 2009). Les «toxicomanes », souvent stigmatisés, devenaient des «usagers de drogues» et la notion de risque à prévenir ou à réduire se développait. Les échanges avec les usagers, en lien avec l’observation des pratiques de consommation conduisirent alors, à considérer l’usager de drogues comme une personne qui à un moment donné est dans l’impossibilité d’arrêter de consommer la drogue. Il était donc nécessaire de le prendre en compte pour prévenir les risques liés à son mode de vie et la question qui se posait, était d’offrir un matériel d’injection stérile aux toxicomanes qui injectaient la drogue (Lert, 2000). Dans un contexte international, qui met en évidence la transmission du VIH par partage de seringues chez les usagers de drogues par voie intraveineuse, Barzach, alors Ministre de la santé de la France (1986-1988), se positionnant strictement dans une démarche de santé publique, autorise la vente libre de seringues en pharmacie (Décret 87-328 du 13 mai 1987). Ce décret dit « Barzach » en 1987, marque l’amorce timide de la politique de la RdR en France.

En Côte d’Ivoire, bien qu’aucun décret n’autorise la mise en place d’un programme de Réduction des Risques (RdR), son application est très récente. En effet, les études réalisées en Côte d’Ivoire avant 2014 sur la problématique de l’usage de la drogue se sont intéressées à la situation de substances psycho actives dans la population générale en particulier chez les élèves et étudiants. Ce n’est qu’en 2014 qu’une étude bio-comportementale a été réalisée par l’ONG internationale Médecins du Monde (MdM) sur la santé des personnes usagères de drogues à Abidjan. Cette étude menée auprès de 450 usagers de drogues, a révélé un taux élevé de prévalence d’infection à VIH (9,8%), de Tuberculose (TB, 2,9%) et d’hépatite B (VHB, 10,9%). Les résultats de cette étude ont permis la mise en place d’un projet « Réduction des Risques (RdR) auprès des usagers de drogues à Abidjan en 2015.