Traitements agonistes opioïdes - Principes directeurs pour les législations et réglementations

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Traitements agonistes opioïdes - Principes directeurs pour les législations et réglementations

15 août 2018

By Pompidou Group

Résumé d’orientation

Contexte, objectif, mandat

Selon les données de l’Observatoire européen des drogues et toxicodépendances (OEDT), sur une population de personnes présentant un usage d’opioïdes à haut risque estimée à 1,3 millions au sein l’Union européenne, près de 650'000 personnes bénéficient aujourd’hui d’un traitement agoniste opioïde, au sens d’un « traitement du syndrome de dépendance aux opioïdes, incluant la prescription à long terme d’un médicament agoniste opioïde », principalement de méthadone et de buprénorphine.

Ce taux moyen dissimule de très grandes disparités. Si, dans certains pays de l’Union européenne, il s’approche de 80%, dans d’autres, il se situe en deçà de 20%. Ailleurs dans le monde, des pays continuent d’exclure, de droit ou de fait, de telles prescriptions (figure 1). Ces variations d’un pays à l’autre peuvent s’expliquer par différents facteurs tels qu’une faible accessibilité des traitements agonistes opioïdes ou encore des restrictions plus générales des offres de traitement quelles qu’elles soient. Mais au sein même des différents pays, il existe d’importantes disparités régionales, notamment ville-campagne, et des disparités parmi les populations cumulant les risques de discriminations, comme les femmes, les mineurs, les personnes en situation de migration, ou encore les personnes détenues (carte 1). Seul un petit nombre de pays aménage un large accès au traitement par le biais des médecins de premier recours et des pharmacies d’officine (carte 2), gages d’accessibilité en dehors des grands centres urbains.

Dans le prolongement du système international de contrôle des substances psychoactives, des régimes d’autorisation préalable visant à contrôler ces prescriptions ont été mis en place depuis les années 70. Ainsi, dans de nombreux pays, sans autorisation préalable d’une administration ou d’une instance médicale étatique, des médecins pourtant titulaires d’un droit de pratique se trouvent dans l’impossibilité d’initier une thérapie nécessaire et scientifiquement reconnue. L’analyse de ces dispositifs montre qu’ils sont basés, de fait, sur une compréhension historique, mais scientifiquement et médicalement erronée, du « remplacement d’une drogue illicite par une drogue licite ».

Or, par leur action pharmacologique, les médicaments agonistes opioïdes prescrits dans l’indication du syndrome de dépendance ont des effets très différents des opioïdes utilisés à des fins hédoniques dans un cadre non médical. Mis en œuvre selon des modalités appropriées, ces médicaments stabilisent l’état émotionnel, réduisent ou éliminent les effets subjectifs renforçant la dépendance et protègent des risques de décès liés aux opioïdes. Ils constituent donc un élément central d’un traitement intégrant les volets médicaux, psychologiques et sociaux. En raison de leur efficacité clinique, un accès approprié à ces médicaments entraîne une réduction très significative de la mortalité et des comorbidités, notamment celles liées à l’usage d’héroïne par voie intraveineuse (infection par le VIH ou le VHC). De ce point de vue, en plus de leur fonction première de traitements médicaux, ces médicaments sont un élément clé de l’approche de santé publique de réduction des risques et dommages. Deux médicaments en particulier, la méthadone et la buprénorphine, figurent depuis 2005 sur la Liste modèle des Médicaments essentiels de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Pour respecter leurs obligations en matière d’accès aux soins et de prévention des discriminations, les pays sont invités à revoir leurs réglementations en s’appuyant autant que possible sur les dispositions ordinaires régulant le marché des médicaments et les professions de santé.

Dans le but d’accompagner les autorités administratives dans cette évolution, les correspondants permanents du Groupe Pompidou ont donné mandat à un groupe d’experts de la santé et du droit pour identifier et expliciter les critères permettant de procéder à ces révisions dans le respect des normes éthiques, des dispositions du droit international, des connaissances scientifiques et des bonnes pratiques médicales.

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