Dépendances 58 - Politique drogues internationale

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Dépendances 58 - Politique drogues internationale

8 novembre 2016

L’avez-vous remarqué ? En 2015, chaque débat portant sur les drogues se terminait irrémédiablement par une référence à la réunion qui allait se tenir l’année suivante à l’ONU et qui, après les changements en Uruguay et aux Etats-Unis, allait conduire à des réformes de la politique drogue internationale. Le Secrétaire général des Nations Unies annonçait un débat ouvert et sans tabou pour mieux répondre à la vague de violences qui secoue certaines régions du monde et ouvrir de nouvelles perspectives pour aider celles et ceux qui en ont besoin.

Mais, avant d’aller plus loin, pourquoi cette politique drogue internationale est-elle si importante ? Parce que ce sont trois conventions de l’ONU qui sont au fondement de nos lois et politiques sur les stupéfiants. Cet argument revient d’ailleurs à chaque réforme en Suisse, généralement pour empêcher qu’elle ait lieu. Ensuite, parce que sur ces conventions s’est collée une sorte de croisade (la guerre à la drogue) qui impose un discours de crise et justifie l’usage de la force, jusqu’à la peine de mort.

L’impact de la politique drogue internationale a aussi ses limites. Certains cantons suisses ont introduit des mesures de réduction des risques qui ont déclenché des tempêtes de protestations à l’ONU. Cela n’a rien changé. L’Uruguay vient de légaliser et de réguler le marché du cannabis sous les yeux de la communauté internationale. Pas d’effet là non plus. C’est tout le paradoxe de cette politique, elle est omniprésente mais elle peut aussi être transgressée.

Mais revenons à la réunion des Nations Unies (UNGASS) et aux attentes qu’elle a suscitées. Elles ont malheureusement été déçues. Les Etats membres de l’ONU, et pas seulement les plus conservateurs d’entre eux, ont verrouillé le débat et adopté une résolution qui perpétue les principes de la guerre à la drogue. Il y a ici et là quelques avancées mais elles restent limitées.

Les pays réformateurs (dont la Suisse), des ONG et certaines agences de l’ONU ont essayé de briser ce verrou et de faire avancer le débat vers une nouvelle politique drogue pour le XXIème siècle. Logiquement ce sont eux, et non pas ceux qui interdisent le débat, qui ont la parole dans ce numéro de dépendances. Ce n’est pas un cadeau qui leur est fait, c’est une responsabilité qui leur est donnée. Celle de nous expliquer pourquoi nous en sommes arrivés à un tel blocage et d’imaginer une politique différente, plus humaine et plus efficace que celle que nous connaissons. Pour cela il ne suffira pas d’avoir de bonnes idées. Il faudra aussi faire évoluer les mentalités emprisonnées dans un paradigme où la surenchère et les peurs, plutôt que la connaissance, restent la norme.

Prenons aussi la liberté de lancer un défi aux réformateurs: ne revenez pas une nouvelle fois les mains (presque) vides en 2019 ! Trop de patience tue la patience, et à un moment donné il faudra peut-être aussi savoir claquer la porte.

Frank Zobel

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